Il est impossible de tomber de la montagne.
La peur donnerait-elle des ailes ?
La peur est là, tapie au fond de nous. Elle a plusieurs facettes, peut se dévoiler de diverses façons, mais elle est présente en chacun de nous, indéniablement. Nos peurs sont tellement présentes que parfois, je me demande si ce ne sont pas elles qui nous construisent. Avec autant d’importance que nos forces, nos envies ou nos rêves.
La peur est telle une spirale infernale, un cercle vicieux. Nous ressentons une peur pour une première fois, et nous la ressentons une deuxième fois, et ensuite, nous commençons à avoir peur qu’elle se reproduise, qu’elle réapparaisse, là, au mauvais moment. Alors, nous avons peur de nos peurs.
Nous avons tous peur de tomber, de nous écorcher, de nous casser un bras, de déchirer notre pantalon. Nous avons tous peur de tomber, de sombrer, de déprimer, de perdre notre boulot, de perdre nos enfants, de perdre la vie. A force d’avoir peur, c’est nous-même que nous perdons, nos valeurs, notre amour-propre, notre personnalité, notre vie que nous avions alors rêvé étant gosse.
Alors, quand ces peurs vous submergent un peu trop, que faites vous ?
Les acceptez-vous ? Vivez-vous avec tant bien que mal? Vous faites tout pour les dépasser ?
Pour ma part, je suis certainement comme tout le monde, cela dépend des peurs et du moment.
Par exemple, j’ai peur du noir, alors je ne me promène pas la nuit en forêt. J’ai le vertige, alors j’évite de monter en haut d’un phare, mais parfois, j’ose me retrouver au milieu d’un pont et plonger mon regard vers le bas. Et il y a des peurs plus profondes qu’on garde bien au chaud au fond de nous, en prenant bien garde de ne pas les affronter. Elles nous dirigent insidieusement dans une vie sans peur, une vie bien bordée entre nos peurs. Une vie sans vie ou nous avons peur de tomber de la montagne.
Sur mes étagères, j’ai un livre tout jauni dont les pages ont pris l'eau, à la couverture écornée. Et pourtant, c’est un livre que je ne virerai jamais de ma bibliothèque. Je le considère comme une livre qui accompagne ma vie. Quand j’ai besoin de me retrouver, je le feuillette, quand je pars loin de chez moi, il se trouve dans ma valise, quand j’ai besoin d’espace, il se jette dans mes mains.
Ce livre, c'est "Les clochards célestes » de Jack Kerouac. Ray - le protagoniste - vit sa vie comme il l’entend, avec ses craintes, ses envies, ses peurs, mais il veut les vivre. Et c’est en avançant qu’il peut faire disparaître ses peurs et laisser place à la vie, à sa vie, tout simplement.
« Mais un instant plus tard, je me trouvai plongé en plein délire : en levant la tête je vis Japhy descendre la montagne en courant, à grandes foulées de dix mètres, sautant, fonçant, atterrissant sur les talons de ses grosses bottes, rebondissant deux mètres plus loin, pour s’envoler de nouveau par-dessus les rochers, planant, criant, ioulant sur cette marge de la terre, où nous nous trouvions, et dans un éclair je compris qu’il est impossible de tomber de la montagne, espèce d’idiot, et avec un ioulement de ma composition je me levai soudain et me ruais à mon tour vers le bas de la pente après Japhy, à force de bonds aussi grands que les siens, de foulées aussi fantastiques » (Extrait de « Les clochards célestes » de Jack Kerouac. Éditions Folio – Gallimard)
Ainsi, lorsque j'ai peur d’avancer, ou de l'avenir, je pense à Ray sur sa montagne. Alors, en petites ou grandes foulées, j’avance, car j’ai compris qu’il est impossible de tomber de la montagne, espèce d’idiot !
Le tableau « Chemins » me rappelle cet axiome, car la vie nous offre une multitude de chemins. A nous d’avoir le courage de prendre ceux qui nous tiennent à cœur. Cliquez ici pour voir l'œuvre maintenant !